Située à la pointe nord-est de la Sicile, Messine est souvent perçue comme une simple étape, un lieu de passage vers d’autres destinations plus connues comme Taormine ou Catane.
Pourtant, s’arrêter dans cette ville portuaire, c’est choisir d’entrer dans un univers riche de contrastes, de traditions anciennes, et de modernité discrète. Messine est une ville de frontières, non seulement géographiques – entre l’Italie continentale et l’île sicilienne – mais aussi culturelles, entre le passé et le présent, entre la mer et la montagne.
Elle offre à celui qui sait l’observer une ambiance unique, loin des clichés touristiques, et profondément ancrée dans l’histoire méditerranéenne.
“Messine, c’est la Sicile à l’état brut, sans fard, avec ses douleurs et ses splendeurs”
C’est une ville qui demande à être explorée avec curiosité, lenteur, et respect. Ce n’est pas une carte postale figée mais un récit vivant que l’on découvre pas à pas.
Au sommaire
- Un carrefour de civilisations au fil des siècles
- Le tremblement de terre de 1908 : une renaissance tragique
- La cathédrale de Messine et son horloge astronomique
- Le détroit de Messine : entre mythes, courants et merveilles naturelles
- Dans les rues de Messine : l’art de flâner
- Les plaisirs de la mer : plages et villages côtiers
- Une gastronomie enracinée dans la mer et les collines
- Une scène culturelle vibrante toute l’année
- Les monts Peloritani : une échappée verte au-dessus de la mer
- Messine à travers les mots : ville de poètes
- Conseils pratiques pour visiter Messine en toute sérénité
- Messine : une Sicile à visage humain
Un carrefour de civilisations au fil des siècles
Depuis l’Antiquité, Messine a toujours été au cœur des échanges en Méditerranée. Fondée sous le nom de Zancle par les Grecs au VIIIe siècle avant notre ère, elle fut rapidement convoitée en raison de sa position stratégique sur le détroit.
Les Romains l’annexèrent, puis vinrent les Byzantins, suivis des Arabes qui y introduisirent de nouvelles techniques agricoles et culinaires, avant que les Normands ne la transforment en centre religieux et administratif. Chacune de ces dominations a laissé une empreinte forte dans l’identité architecturale, linguistique et gastronomique de la ville.
Marcher dans les rues de Messine, c’est comme tourner les pages d’un livre d’histoire millénaire, où chaque pierre, chaque ruelle, chaque édifice raconte une époque révolue.
“Les couches d’histoire ne s’effacent pas à Messine, elles s’empilent avec élégance et gravité.”
Ce brassage culturel se reflète aussi dans la population messine : des habitants fiers de leurs racines multiples, ouverts au dialogue et très attachés à leurs traditions. Messine n’est pas seulement un port : c’est un carrefour d’âmes et d’héritages, un lieu où les influences grecques, arabes, normandes et espagnoles coexistent dans une harmonie imprévisible mais fascinante.
Le tremblement de terre de 1908 : une renaissance tragique
Le 28 décembre 1908, Messine fut frappée par une tragédie inouïe. Un séisme de magnitude 7.1 sur l’échelle de Richter, suivi d’un tsunami meurtrier, rasa la quasi-totalité de la ville en quelques minutes.
Plus de 80 000 personnes périrent, faisant de cette catastrophe l’une des plus meurtrières d’Europe. La ville, entièrement détruite, fut ensuite reconstruite selon des normes antisismiques modernes, avec des rues plus larges, des immeubles bas, et une nouvelle organisation urbaine.
“Le tremblement de terre n’a pas seulement changé le paysage, il a redéfini l’âme même de Messine”.
Cette reconstruction, bien que pragmatique, a conservé une part de mémoire collective. Des monuments commémoratifs, des ruines préservées, et des photos anciennes exposées dans les musées rappellent ce moment douloureux.
La résilience des habitants, leur capacité à renaître de leurs cendres, est devenue une valeur fondatrice de l’identité messine. Chaque pierre de la ville reconstruite raconte à la fois une perte immense et une volonté farouche de recommencer.
La cathédrale de Messine et son horloge astronomique
Au centre de Messine s’élève la majestueuse Cathédrale Santa Maria Assunta, connue aussi sous le nom de Duomo di Messina. D’abord érigée par les Normands au XIIe siècle, elle fut détruite plusieurs fois – par le séisme de 1908 puis par les bombardements de 1943 – avant d’être reconstruite à l’identique.
Elle abrite un trésor technologique : la plus grande horloge astronomique mécanique du monde, installée dans le campanile adjacent en 1933. Cette œuvre d’ingénierie, réalisée par la maison Ungerer de Strasbourg, anime chaque jour à midi une série d’automates illustrant des scènes religieuses et historiques.
“Lorsque l’horloge s’anime, c’est toute l’histoire de la Sicile qui se met en mouvement sous nos yeux.”
Le lion rugissant, le coq chantant, la Madone bénissant les fidèles… Ce ballet mécanique est un moment fort de la visite. L’intérieur de la cathédrale, sobre mais lumineux, abrite aussi de superbes mosaïques, des fresques restaurées, et une crypte où reposent les restes de saints locaux. C’est un lieu de silence, de beauté, et de spiritualité, qui invite autant à la contemplation qu’à la réflexion sur le passage du temps.
Le détroit de Messine : entre mythes, courants et merveilles naturelles
Le détroit de Messine, ce mince couloir d’eau séparant la Sicile de la Calabre, est bien plus qu’un simple passage maritime. Depuis l’Antiquité, il fascine marins, écrivains et scientifiques. Homère y plaçait Scylla et Charybde, monstres mythologiques qui dévoraient les navires imprudents.
Aujourd’hui encore, les courants violents et les remous y créent des phénomènes naturels rares, comme les ondes internes visibles en surface, ou les “vortex de Messine” qui attirent les chercheurs océanographes du monde entier.
“Entre deux rives, Messine vit au rythme d’un souffle marin millénaire”, résume un pêcheur de Torre Faro.
Les ferries qui relient quotidiennement Messine à Villa San Giovanni offrent une vue spectaculaire sur ce paysage mouvant. Les amateurs de nature peuvent aussi observer des dauphins, des cachalots, et de nombreux oiseaux marins qui font de ce couloir naturel un sanctuaire de biodiversité.
Le Cap Peloro, situé à l’extrémité nord, est un excellent point de départ pour des excursions maritimes ou de simples balades contemplatives au bord de l’eau.
Dans les rues de Messine : l’art de flâner
Messine ne se découvre pas en bus touristique. Elle s’explore à pied, au hasard des ruelles, au fil des odeurs de cafés, de pain chaud, de fruits frais.
Le centre-ville, reconstruit après les catastrophes, présente un urbanisme régulier et aéré, mais conserve de nombreux coins de charme : placettes ombragées, fontaines anciennes, façades baroques rescapées, et boutiques artisanales.
“Flâner dans Messine, c’est marcher entre l’oubli et la mémoire, entre l’éclat du soleil et l’ombre des souvenirs.”
Le marché de Sant’Antonio, par exemple, est un microcosme de la culture locale. On y entend l’italien, le dialecte sicilien, et parfois même quelques mots d’arabe. Les produits y sont authentiques : poissons tout juste sortis de la mer, agrumes gorgés de sucre, pistaches de Bronte, fromages affinés dans les montagnes.
Les habitants, souvent loquaces, vous raconteront volontiers une anecdote ou une recette oubliée. C’est ce contact humain qui fait toute la richesse d’une promenade à Messine.
Les plaisirs de la mer : plages et villages côtiers
La mer est omniprésente à Messine. Elle n’est pas seulement un décor mais un élément vital de l’identité locale. En quittant la ville vers le nord ou le sud, on découvre rapidement une série de plages et de villages pleins de charme, chacun avec sa propre personnalité.
Capo Peloro est le plus spectaculaire : avec ses dunes dorées, ses vagues puissantes, et ses vues sur les côtes calabraises, il attire autant les amateurs de surf que les photographes.
À quelques pas, Torre Faro offre une atmosphère plus paisible, avec ses maisons basses, ses bateaux colorés, et ses trattorias qui servent du poisson grillé les pieds dans l’eau.
“À Messine, la mer n’est jamais loin. Elle est la sœur, la nourrice, la mémoire du peuple.”
À ne pas manquer :
- Ganzirri : réputé pour ses lacs d’eau salée et ses mytiliculteurs.
- Santa Margherita : idéale pour les familles, avec des plages calmes.
- Mili Marina : plus sauvage, parfaite pour les aventuriers.
- Spartà : charmante et préservée, encore peu touristique.
Ces lieux sont autant d’invitations à la détente, à la baignade, ou simplement à l’évasion. Le soir venu, les couchers de soleil sur la mer Ionienne offrent un spectacle inoubliable.
Une gastronomie enracinée dans la mer et les collines
À Messine, on mange bien. Très bien, même. La gastronomie y est un véritable art de vivre, profondément enracinée dans les ressources naturelles de la mer, des montagnes et des vergers siciliens.
Chaque plat raconte une histoire, chaque ingrédient a une origine, un sens, un lien direct avec le territoire. Les poissons y sont toujours frais, les légumes gorgés de soleil, les fromages rustiques, les vins puissants.
On y retrouve la richesse des influences méditerranéennes, entre héritage grec, arabe et normand, le tout relevé par la créativité des chefs messinois qui savent moderniser sans trahir.
“À Messine, on ne cuisine pas seulement pour se nourrir, mais pour transmettre, pour émouvoir, pour célébrer la vie.”
Quelques spécialités à découvrir absolument :
- Pesce spada alla ghiotta : espadon mijoté dans une sauce aux tomates, olives, oignons et câpres.
- Involtini di melanzane : rouleaux d’aubergines farcis au fromage ou à la viande.
- Arancini messinesi : plus petits que ceux de Palerme, mais tout aussi délicieux.
- Granita al caffè : accompagnée de crème fouettée et d’une brioche tiède.
En terrasse, dans une ruelle, face à la mer ou au marché, chaque repas devient une expérience sensorielle et culturelle. Et surtout, il est toujours accompagné d’un accueil chaleureux, parfois chanté, toujours sincère.
Une scène culturelle vibrante toute l’année
Contrairement à ce que laisse croire son apparente tranquillité, Messine est une ville vivante, créative, et profondément attachée à sa culture. Toute l’année, festivals, concerts, processions et spectacles de rue rythment la vie messine.
Le plus impressionnant est sans doute celui du 15 août, la célèbre Vara, une procession baroque monumentale, où une statue géante de la Vierge est portée à travers la ville par des centaines d’hommes. C’est une expérience bouleversante, à la fois religieuse, artistique, et communautaire.
“Pendant la Vara, Messine ne dort pas. Elle prie, elle chante, elle se souvient, elle vibre comme un seul cœur.”
Autres événements marquants :
- Festival de théâtre antique (été) : dans des sites historiques en plein air.
- Messina Jazz Festival : concerts sur les plages et dans les places.
- Fiera Campionaria : grande foire artisanale et commerciale.
- Carnaval de Messine : plus modeste mais toujours coloré et familial.
Les musées ne manquent pas non plus. La Galerie régionale abrite des œuvres de Caravage, Antonello da Messina, ou encore des artefacts byzantins rares.
Les petits théâtres, les salles de concert, les centres culturels organisent régulièrement des rencontres littéraires, expositions contemporaines et projections cinématographiques, montrant que la culture ici ne se contente pas de survivre, elle s’épanouit.
Les monts Peloritani : une échappée verte au-dessus de la mer
Derrière la ville, comme une protection silencieuse, s’élèvent les monts Peloritani, chaîne montagneuse moins connue que l’Etna mais tout aussi fascinante. C’est un territoire sauvage, escarpé, souvent couvert de brume matinale, où l’on trouve des forêts de chênes, des pâturages isolés, des torrents limpides et une faune riche.
De nombreux sentiers balisés partent de villages périphériques comme Dinnammare ou Gesso, et mènent à des crêtes panoramiques d’où l’on aperçoit à la fois la Calabre, les îles Éoliennes, et l’Etna par temps clair.
“Là-haut, Messine paraît minuscule, et pourtant, elle est partout dans l’air, dans les pierres, dans la lumière.”
Les randonneurs y trouveront un terrain de jeu à leur mesure : sentiers faciles pour familles, circuits sportifs pour amateurs de VTT, parcours historiques vers d’anciennes églises rupestres ou forts oubliés.
On y croise aussi des ermites, des bergers, et parfois des groupes d’enfants en sortie scolaire qui apprennent le nom des plantes aromatiques. C’est une autre Messine, plus rurale, plus silencieuse, mais tout aussi attachante.
Messine à travers les mots : ville de poètes
Peu de gens savent que Messine est aussi une terre de littérature. Le grand poète Salvatore Quasimodo, prix Nobel en 1959, y est né. Ses vers parlent de mer, de lumière, de douleur et d’espoir – des thèmes qui résonnent puissamment dans l’âme de la ville.
D’autres écrivains, comme Elio Vittorini ou Giovanni Verga, ont puisé dans Messine une source d’inspiration puissante, entre modernité urbaine et traditions paysannes, entre catastrophes naturelles et beauté humaine.
“Messine est un roman ouvert, que chaque génération réécrit à sa façon”, disait un professeur de lettres au lycée Maurolico.
Aujourd’hui, des parcours littéraires permettent de suivre les traces de ces auteurs : maisons natales, bibliothèques historiques, plaques commémoratives, extraits de poèmes sur les murs…
Messine cultive une mémoire sensible et poétique, discrète mais tenace, qui se ressent jusque dans la façon de parler des anciens, ou la manière dont les enfants apprennent à réciter des vers en dialecte. La ville pense, rêve et écrit, même quand elle semble simplement dormir.
Conseils pratiques pour visiter Messine en toute sérénité
Pour profiter pleinement de tout ce que Messine a à offrir, il est important de bien préparer son séjour. Accessible en ferry depuis Villa San Giovanni (Calabre), par train ou en voiture via l’autoroute A20, elle dispose aussi de connexions par avion via les aéroports de Catane ou Reggio Calabria.
Une fois sur place, il est facile de se déplacer à pied dans le centre, mais pour explorer les alentours (villages, montagnes, plages), la voiture est vivement recommandée.
“Messine se mérite, et plus on s’en éloigne, plus on a envie d’y revenir.”
Conseils utiles :
- Meilleure période : avril à juin, ou septembre-octobre (chaleur agréable et moins de monde).
- Logement : privilégier le centre historique ou les zones côtières pour la vue.
- Transport : les bus sont pratiques mais peu ponctuels ; pensez à la location de voiture.
- Sécurité : Messine est globalement sûre, mais comme dans toutes les grandes villes, restez vigilant dans les zones très fréquentées.
Enfin, n’oubliez pas de prendre votre temps. Messine ne se “coche” pas comme une liste. Elle se découvre, se ressent, s’apprivoise doucement. Et elle vous marque, à jamais.
Messine : une Sicile à visage humain
Messine est cette ville que l’on n’attend pas, et qui pourtant reste dans le cœur bien longtemps après le départ. Ni trop grande, ni trop petite, elle mêle les vibrations de la Méditerranée avec la profondeur d’une histoire souvent tragique, mais toujours tournée vers la lumière.
Elle n’a pas la prétention des grandes cités siciliennes, mais elle possède une âme unique, tissée de mythes, de tremblements, de saveurs et de beauté discrète.
“Ce n’est pas la plus belle, ni la plus célèbre. Mais c’est celle qui vous adopte si vous savez l’aimer.”
Entre ses collines mystérieuses, ses plages vivifiantes, ses traditions culinaires et son passé glorieux, Messine est un trésor caché qui n’attend que votre regard pour briller.