Les gorges du Verdon et ses plateaux

Les gorges du Verdon et ses plateaux

C’est le corridor mythique, le fameux Colorado français. La plupart des touristes ont fait du profond défilé un terrain de jeu sportif mais peu pensent à lever la tête. Pourtant, là-haut, sur les plateaux où s’accrochent les rares villages, bat le pouls du pays des gorges…

Gorges du Verdon, l’entaille sublime

Chaque été, on joue « Tsunami humain en Verdon ». Dans la famille – nombreuse – des visiteurs, demander d’abord les sportifs. De France et d’Europe du Nord, des hordes au teint diaphane se précipitent tels des conquistadors, prêts à dompter flots et parois pour satisfaire leur ego, goûter à l’aventure et éprouver un stress libérateur, avant de rentrer dans leurs refuges urbains. « Hydrospeedés », rafteurs fous, canyoneurs intrépides, canoéistes pressés, ils sont guidés par la recherche de sensations et l’illusion de l’exploit. On exagère ? Sans doute. Voyez les escaladeurs, ils sont plus réfléchis.

Depuis les ascensions folles de Patrick Edlinger, ils viennent du monde entier faire corps avec le calcaire vertical. Vraies prouesses, n’en doutons pas, mais le regard sur la roche et l’esprit de caste se conjuguent mal avec une découverte profonde du territoire.

Dans la même famille touristique, demander aussi les contemplatifs. Enfin des gens qui prennent le temps, pense-t-on. Pas sûr. Beaucoup « font » les gorges en accéléré : deux jours, tout au plus, à pousser des oh ! et des ah ! d’extase devant les formidables précipices, en suivant en voiture les parcours panoramiques entre Moustiers-Sainte-Marie et Castellane.

Bien sûr, dans le lot, il y a les randonneurs. Comme les grimpeurs, ils ont des exigences. Celles de l’effort et de la communion avec la nature. Mais à les voir processionner comme des chenilles sur le sentier Martel, boulevard saturé du fond des gorges, on persiste : eux aussi passent à côté de l’essentiel.

Territoire ingrat et isolé

Ce penchant pour les frissons et les visites express est excusable. Ainsi va le tourisme : d’abord consommer, au lieu de laisser consumer.

Pourtant, ceux qui courent au Point Sublime seraient bien inspirés de grimper la petite route en cul de sac de Rougon, minuscule village. Avec ses maisons serrées adossées à une excroissance rocheuse, c’est sans doute l’endroit le plus « verdonnais » du site. Ici, comme à Trigance, Aiguines et La Palud, compères du quatuor villageois, il est possible d’apprendre. Apprendre que l’homme a du composer avec un territoire ingrat et isolé, depuis toujours. Chacun sa place : le fond des gorges pour l’eau et la pêche, les plateaux pour l’habitat – économe au possible afin de libérer l’espace aux cultures vivrières – et les montagnes pour les pâturages ovins, sur les superbes versants du Mourre de Chanier ou de Canjuers.

Survivre autrefois n’était pas différent d’aujourd’hui. La double activité est restée la règle : élevage et artisanat hier – Aigunes fut la capitale des tourneurs sur bois – ; prestations ludo-touristiques l’été et saison en station de ski ou travaux acrobatiques l’hiver, de nos jours. Les gens des gorges peuvent remercier les touristes pour leur assiduité estivale. Mais ces derniers gagneraient peut-être à mieux comprendre ceux qui leur permettent si bien d’assouvir leurs passions.

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